La révolte des bonnets rouges


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Préambule

Les enclos paroissiaux ont traversé l’histoire, le plus souvent sans dommages mais quelques fois les événements, les guerres, les révoltes ont laissé des traces. La révolte des bonnets rouges fait parti des faits historiques directement liés à la vie des enclos paroissiaux.

Dans un premier temps remontons le temps et découvrons cette révolte avec Erwan Chartier

L’histoire de la révolte des bonnets rouges

« Cette révolte appelée aussi révolte du papier timbré fut l'une des plus sanglantes de l'histoire de la Bretagne. En 1673, Colbert veut lever de nouveaux impôts en Bretagne: la gabelle et le papier timbré (qui taxe tout document officiel). Or, depuis l'union de la France et de la Bretagne en 1532, tout nouvel impôt doit être accepté par les Etats généraux de Bretagne. Bien sur, ceux-ci s'opposent à cette taxe supplémentaire mais Louis XIV passe outre.

Dans un contexte économique difficile, la contestation s'étend aux campagnes bas-bretonnes. L'explosion a lieu à proximité de Châteaulin le 9 juin. La révolte des Bonnets rouges du Poher et des Bonnets bleus du pays bigouden vient de commencer. Son souvenir et celui de la répression qui suivra, va marquer durablement les esprits en Basse Bretagne.

 

Le 9 juin 1675 au matin, le marquis de la Coste, lieutenant du roi pour la Basse Bretagne, se rend à Châteaulin, où il doit s'assurer du maintien de l'ordre et de l'exécution des nouveaux édits sur le tabac et le papier timbré qui servait à rédiger les actes

Quelques jours plus tôt, un huissier avait été molesté dans cette même ville, alors qu'il lisait les textes des édits. Un incident révélateur de la tension qui était alors perceptible dans les campagnes bas-bretonnes, même si elles sont relativement calmes par rapport aux villes de Bretagne, secouées par de violentes émeutes depuis avril. Des troubles ont éclaté à Saint-Malo et Lamballe. A Guingamp et à Nantes, on a exécuté des meneurs. A Rennes, le gouverneur de Bretagne, le duc de Chaulnes, est pratiquement assiégé dans son hôtel.

Le tocsin sonne

Dans ce contexte, la venue du marquis de la Coste est perçue comme une provocation. Dans trente paroisses autour de Châteaulin, le tocsin retentit et des bandes de paysans en armes s'assemblent.
L'une d'elles rencontre le cortège du marquis. Les esprits s'échauffent et De la Coste blesse d'un coup d'épée un des paysans qui tenait des propos insolents. Les agents de l'administration sont aussitôt pris à parti.. Blessé d'une balle à l'épaule, le marquis de la Coste ne doit son salut qu'en promettant l'annulation des édits. Au même moment, une autre troupe rassemblée à Briec reçoit une fausse information selon laquelle le marquis se trouve au château de la Boissière à Edern. Des dizaines de paysans des paroisses de Landudal, Trégourez et Plogonnec se rendent au château qu'ils pillent et brûlent en partie.

"Nulle sûreté par la campagne"

Le tocsin de la révolte vient de sonner dans l'évêché de Cornouaille et son retentissement est immédiat. Le duc de Chaulnes quitte Rennes pour la citadelle de Port-Louis où il s'enferme en attendant des troupes en provenance du sud de la France. De Gonville, commissaire des guerres, écrit à Louvois, ministre des armées : "Il n'y a, Monseigneur, nulle sûreté par la campagne, il n'y a que les plus proches de Brest où le calme est". Les insurgés du Poher choisissent un bonnet rouge comme signe de ralliement, ceux du pays bigouden, un bonnet bleu.

Le premier dimanche de juillet 1675, à Spézet, une foule importante se rassemble devant la maison du notaire Porcher. "Ils se mirent à fouiller toute ladite maison et à esfondrer les coffres, armoires et autres meubles", témoigna Ysabeau Bouriquen, la servante de maître Porcher. Quant au papier timbré, servant aux actes notariaux, "après les avoir fait trier, ils en déchirèrent une grande partye et en emportèrent à brassées, hors ladite maison".
Le 11 juillet, près de 6.000 paysans de Saint-Hernin, Kergloff et des paroisses environnantes prennent d'assaut le château de Kergoat à Saint-Hernin, dont le propriétaire, Toussaint de Trevigny, était connu pour sa dureté contre les paysans et avait déjà eu affaire, ponctuellement, à des actes de révolte. Les insurgés tuent l'intendant, le sieur de Kervilly, et plusieurs serviteurs. Les tires et parchemins sont détruits, les canons enlevés et le château brûlé. En ce mois de juillet 1675, les notaires, les "fermiers du devoir " et les nobles sont partout attaqués et le papier timbré brûlé. La révolte passée, la marquise de Montgaillard de Poullaouen, estimera "à plus de 200 maisons de noblesse", le nombre de manoirs et châteaux pillés.

Le code paîsan

Le code paîsan ou code "pesovat" (ar pezh 'zo vat, ce qui est bon, en breton) est une des originalités de cette révolte. Véritable programme politique, les insurgés y exposent leurs revendications. Ils demandent l'abolition de droits et taxes féodales et une justice équitable.
Le code paîsan étonne l'Europe, l'ambassadeur de Venise en France en fait mention, comme certaines gazettes hollandaises et anglaises. C'est un texte bien construit, écrit sans doute par un ou plusieurs juristes.

 Le 2 juillet 1675 à la chapelle Notre-Dame de Tréminou, en Plomeur, quartier général des insurgés, les représentants des paroisses soulevées se réunirent et rédigèrent le "code paysan". Ce "règlement" fait par les nobles habitants de quatorze paroisses depuis Douarnenez jusqu'à Concarneau provient des paysans les plus instruits et les plus modérés qui ont rédigés les cahiers de doléance de 1789.

Or, le meneur le plus célèbre des Bonnets rouges, Sébastien Le Balp, a eu une formation de juriste. Né en 1639, à Poullaouen, il fut remarqué très tôt par le marquis du Tymeur qui l'envoya faire du droit à Nantes. Revenu dans le Poher, Le Balp s'installe comme notaire royal à Kergloff. Accusé de malversations, il est jeté en prison de 1673 à 1675. Il est relâché faute de preuve, à la veille de l'insurrection.

Sébastien Le Balp à la tête de la révolte

La révolte en centre Bretagne va trouver un chef dans ce notaire à la réputation ruinée. Les événements passés, un des bourgeois de Carhaix témoigne qu'il s'était "acquis une telle réputation parmi les paysans révoltés [...] qu'il s'était fait passer pour le chef, que lesdits révoltés suivaient entièrement ses ordres pour sonner les tocsins, pour s'attrouper et s'assembler où il voulait, que pendant la sédition, il a été le premier en tête, à tous les incendies, pillages et désordres". Le comte de Boiséan, gouverneur de Morlaix, ne s'y trompe pas en écrivant, le 26 juillet, au marquis de Montgaillard : "Je crois que s'y pouviez gagner leur chef ou lui faire couper la gorge, tout ce parti se réduirait en fumée". Le marquis de Montgaillard qui entretient des rapports ambigus avec les insurgés, était en effet arrivé par ruse à les dissuader de marcher sur cette ville. La prise du port de Morlaix aurait permis aux Bonnets rouges de recevoir le renfort d'une escadre hollandaise qui croisait alors dans la Manche.
En représailles, le manoir du Tymeur en Poullaouen, appartenant à Montgaillard, est pillé et en partie brûlé. Mais Le Balp ne rompt pas ses relations avec le marquis. En effet, les insurgés savent que des troupes royales sont en route pour la Bretagne. Or, pour espérer leur résister militairement, il leur faut un professionnel de la guerre. Sébastien Le Balp tente de persuader Montgaillard, ancien officier de l'armée royale, de prendre la tête des troupes insurgées.

Le Balp tué à Poullaouen

Sébastien Le Balp entend réunir 30.000 hommes en armes le 3 septembre au manoir du Tymeur. Il compte ensuite marcher sur Carhaix et Quimper, puis affronter les troupes du duc de Chaulnes. Arrivé au Tymeur la veille au soir, avec 2.000 hommes, Sébastien Le Balp s'isole pour s'entretenir avec le marquis de Montgaillard et le frère de celui-ci. Mais ce dernier, vers minuit, s'empare d'une épée et transperce la gorge du chef des insurgés. Les deux nobles parviennent ensuite à s'enfuir en semant la confusion chez les Bonnets rouges complètement démoralisés par la mort de leur meneur. Dans le même temps, les troupes fraîches qu'attendait le duc de Chaulnes arrivent en Bretagne. Le 1er septembre, elles sont à Quimper, du 4 au 18 dans le Poher, le 20 à Morlaix, le 12 octobre, elles pénètrent dans Rennes. En l'absence de rébellion organisée, l'expédition se transforme en promenade de santé pour les troupes royales. Pour les habitants des paroisses révoltées, en revanche, c'est le début d'une longue épreuve.

Une répression sans pitié

Les meneurs qui sont capturés sont pendus aux clochers ou aux arbres bordant les châteaux pillés par les rebelles. Au milieu de la répression, le duc de Chaulnes a cette phrase terrible : "Les arbres commencent à avoir le poids qu'on leur donne". Plusieurs clochers du pays bigouden qui avaient sonné le tocsin de la révolte sont rasés. Ceux de Lanvern, Languivoa en Plonéour-Lanvern et Lambour à Pont-l'Abbé n'ont jamais été reconstruits.  A Rennes, un faubourg est entièrement rasé et les Etats de Bretagne, réfugiés à Vannes, sont obligés de verser une contribution de trois millions de livres au trésor de guerre, une somme colossale. La reprise en main est aussi idéologique avec les missionnaires du père Maunoir, envoyés ré évangéliser les campagnes rebelles. Quant au corps de Sébastien Le Balp, il est exhumé. On fait un procès à son cadavre qui est ensuite traîné sur une claie, rompu et exposé sur une roue. Après avoir soufflé le temps de l'été 1675, la révolte des Bonnets rouges s'éteint tragiquement dans une longue répression ».

Erwan Chartier

 

Les enclos après la révolte des bonnets rouges

 

A la suite de la révolte des Bonnets Rouges en 1675 qui vit 14 paroisses de Basse Cornouaille se liguer et proclamer une charte, le "Code Paysan", le pouvoir, entre autres représailles, décida la décapitation de la flèche de 6 clochers : les églises paroissiales de Tréguennec, Combrit (reconstruit en 1774) et Lanvern, les églises tréviales de Lambour et Saint Honoré et l'église chapelaine de Languivoa.

  Combrit

  Près de l'église on remarquera un petit ossuaire du début du XVIIIème.Le clocher postérieur au reste de l'édifice, qui fut érigé à la fin du XVIIème est un bon exemple de Rennaisance bretonne. A l'intérieur on remarquera le retable de l'autel du XVIIème siècle et le tombeau armoirié dans le croisillon sud.

 

Lanvern

Située à 1km au nord du bourg de Plonéour Lanvern, les ruines de cette ancienne église paroissiale présente d'élégantes colonnes de l'école de Pont Croix, une belle rosace et une fontaine au pied du mur sud

  Lambour

Sa riche façade est bâtie dans le style flamboyant du début du 16e siècle ; Le clocher était flanqué de 2 tourelles, d'une galerie en loggia conduisant à une belle porte et 2 imposants contreforts. La toiture menaçant ruine a été démolie.

 

Languivoa

La chapelle du 13e siècle possède les faisceaux de colonnettes et les chapiteaux décorés typiques de l'école de Pont Croix. Elle a été agrandie avec des colonnes du 15e siècle.

 Languidou

 

Il semblerait que c'est à Languidou en 1260 qu'est apparu pour la 1ère fois le style architectural gothique d'inspiration anglo-normande dit de "l'École de Pont Croix" (l'église de cette ville représentant le sommet de cet art) qui au 13e siècle essaima à travers la basse Cornouaille ses piles polylobées, ses fines arcades et ses chapiteaux ouvragés. La chapelle fut démolie sous la révolution, subsistent de superbes vestiges de granite. Le chevet, sa rosace, datent du 15e siècle. 

       

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